samedi 18 avril 2009

11 ou 12(sais p'us) avril 2009, Pont de Beauvoisin, France.


On a traîné un bon moment sur les Départementales. À lever le pouce sur des routes désertes où l’on dénombre plus de vaches que de voitures. On a traversé l’Ain, l’Isère et la Savoie en passant par des communes où les gens vous regarde aussi étrangement qu’une peuplade de l’Amazonie qui découvre son premier homme blanc. La France profonde. La France d’il y a 50, 100, 200 ans… D’ailleurs les gens y ont un accent aussi bâtard que le mien. Aussi beau, si j’ose dire. En tout cas, crissement sincère et archaïque.

Notre chauffeur aime les dauphins et the fast & the furious IV. Il est un peu simple et très bon. Trop. À s’en sentir mal à l’aise. Il conduit furieusement sur des routes bouffées par un épais brouillard. Les arbres fruitiers sont en fleur et confondent leur frondaison dans un néant de brume. Suis assis derrière. Me laisse bercer par le mouvement de la route. J’oublie le trajet, son conducteur, le film. Interzone entre le rêve et la réalité...

On s’arrête dans un autre bled anonyme, les Abrets. On boit un verre dans un de ces universels PMU. LA serveuse est sympa. La faune locale nous regarde comme des barbares. Le plus drôle c’est que je fais pareil, je les regarde comme une bande d’aborigènes. Me font penser aux artistes de Lascaux qui ont peint avec autant de naïveté que de grâce un monde laid et complexe.

On cherche un hôtel, une auberge. N’importe quoi où dormir. Y’a rien. On s’apprête à congédier notre chauffeur. La serveuse sympa revient et nous indique un gîte à quelques kilomètres. Michael, notre chauffeur, daigne faire un détour afin de nous y mener. On marche vers sa voiture. Je remarque sa chemise rayée dans un sens et ses pantalons rayés dans l’autre. La  bonté est rarement esthétique, que je me dis.

On repart sur d’autres départementales. On s’enfonce encore plus profondément dans la campagne. On passe devant d’anciennes demeures seigneuriales de province, bouffées par le temps, le lierre et l’abandon. On finit par aboutir au bout d’une allée de noyers derrière laquelle se trouve le gîte en question. Une vieille ferme toute en pierre cachée par une végétation foisonnante.  Le temps est toujours brumeux et maussade. Des corbeaux croassent sinistrement.  Le décor est cinématographique au possible, tellement qu'on reste figé, on n'ose pas sortir la caméra. Comme peur que le rendu soit décevant...

Michael nous laisse devant la porte du gîte. On le congédie avec mille remerciements. Sa 206 dérape dans la boue et se perd instantanément dans le brouillard. On est devant la porte avec nos sacs. On comprend pas trop où on est. Géographiquement ça va. Mais on a du mal à tracer mentalement une ligne cohérente entre ce matin à Lausanne, et ici, maintenant. Et le lieu est tellement imposant que ça nous laisse un peu interdit. On regarde les deux Audi et la Mercedes parquées dans le stationnement et on rigole. Barbus autant que nous sommes. Barbus devant l'Éternel. Mais vachement plus en moyen qu'en nos voyages de jadis. Qui plus est, c'est l'État du Valais paye. On cogne. Fiers du bordel qu'on va foutre en bouffant notre "formule champêtre", c'est ce qu'indique le menu à côté de la porte. On spécule sur le vin qu'on va boire. On est encore plus crampé.

La porte s'ouvre sur un hall de pénombre. On distingue à peine notre hôte. L'accueil est aussi sinistre que le décor à l'extérieur. Et dès qu'elle - l'hôte - s'aperçoit qu'on est à pied le ton change. Elle allume l'interrupteur. Une ampoule économique inonde la pièce d'une lumière crasseuse. C'est complet qu'elle nous dit. Alain demande s'il peut utiliser les chiottes. Y'en a pas qu'elle lui répond. Malaise. On hésite à savoir s'il faut rire ou l'envoyer chier.

On est reparti avec le brouillard qui se levait, sur des routes boueuses pleines de bouses fumantes. Le ciel bavait un de ces crachins incertains, une sorte de neige pisseuse. Le fossé démographique Humain/Vache s'est encore creusé. À vue de nez ça devait faire 2 pour 300. On a réussi à retrouver la Départementale. On a levé le pouce dans le néant. Après 2 tracteurs et une bagnole on a décidé de se mettre en marche. Au moins la route était belle. Même que la pluie s'est tue. 


Le soleil à l'horizon diffusait une lumière étrange à travers la masse compacte des nuages. C'est la nuit qui tombait et avec elle l'incertitude du logis. On s'est mis à lorgner du côté des vielles granges qui traînaient au fond des champs. Nous avons continué notre marche en se disant qu'au pire c'est pas les granges qui nous feraient défaut. Finalement, après 5 ou 6 kil, on a rejoint une Nationale. On s'est foutu sous un réverbère en attendant un lift inespéré.

Je crois qu'on a attendu 5 ou 10 minutes. Une autre 206 s'est arrêtée. Encore plus pourrie que la précédente. On a donc fait la rencontre de deux algériens super cools qui picolaient en conduisant. Charitables mécréants ! J'avais une caisse de trente canettes de bière à mes pieds. J'ai donc joué au barman pendant tout le trajet. 


Ils nous ont poussé jusqu'au seul hôtel de la région. L'hôtel Morris de Pont de Beauvoisin. Un truc aussi paumé que thrash. Et l'accueil aussi patibulaire qu'au gîte, à la simple petite différence qu'il y avait de la place - presque. Alain et moi avons dû partager une couche matrimoniale sous prétexte que c'était plein. N'importe quoi, grosse bitch, y'a pas une bagnole devant ton hôtel miteux. Je voulais l'étrangler cette connasse de Française. On lui demande si le petit déjeuner est inclus. 7 euros pour un minable croissant, un verre de jus d'orange même pas frais et un café tiède. Je pensais bien. Je pensais bien ! C'est ce qu'elle nous répond, la pute, quand on lui dit qu'on ne prendra pas son petit-déj. On a finalement pris la chambre sans trop gueulé. On était sale et exténué. Elle avait le monopole à 50 km à la ronde avec son osti d'hôtel puant à moquette couleur jaunisse. J'avais juste envie de dormir. J'ai fermé ma gueule. 



 



1 commentaire:

Alex a dit…

l'instantanéité te fait du bien, mon ami.